Avant-propos : cet article a été réalisé dans le cadre du Challenge Data #6. Il a été réalisé en 5 jours (ce qui peut expliquer, dans certains cas, le manque de réponse de la part de certains acteurs mentionnés dans l’article). Pour en savoir plus sur la méthodologie mise à disposition des étudiants, vous pouvez y accéder via ce lien.
Alors que les villes doivent effectuer une transition écologique en matière de mobilité, comment l’agglomération de Carcassonne illustre-t-elle le désordre de la gestion des bornes de recharge de voitures électriques ?
“Soyez patiente” : ces deux mots, prononcés par un acteur municipal suite à notre appel d’enquête, résument l’enjeu du déploiement de la mobilité bas-carbone à Carcassonne et dans les zones rurales françaises. Les données et les acteurs sont difficiles à trouver, malgré l’obligation de rendre publics les documents que nous recherchions. Pourtant, le millefeuille administratif français rend l’accès à l’information compliqué et soulève la question de savoir qui est compétent, pour quoi, et surtout : quand.
La COP22 annonçait l’intention de réduire de 55% d’ici à 2030 l’émission de gaz à effet de serre. Pour cela, la voiture doit être décarbonée, révélant l’enjeu crucial des parcs de recharge électrique. Pour assurer la viabilité du déploiement des véhicules électriques, il est nécessaire de disposer d’une borne de recharge publique pour 10 voitures (Directive AFI). Le nombre de bornes mises en service entre 2018 et 2023 a fortement augmenté au sein de l’agglomération de Carcassonne avec aujourd’hui 101 bornes en accès public. Cependant, disposant de 1853 véhicules électriques, elle ne respecte pas la Directive AFI (1 borne pour 17,8 voitures contre 1 pour 10).
https://public.flourish.studio/visualisation/16048483/
Evolution du nombre de bornes de recharge électrique installées sur l’agglomération de Carcassonne, 2017-2023
Ainsi, la question de ces bornes de recharge est aujourd’hui incompatible et en décalage avec la tentative de démocratisation de la mobilité bas-carbone. Carcassonne n’est pas une exception aux difficultés soulevées par la mise en service des bornes de recharge.
L’immense majorité des recharges de véhicules électriques s’effectue à domicile ou sur le lieu de travail, comme le confirme la société ENEDIS. Les bornes de recharge publiques ne représentent qu’une minorité sur un marché largement dominé par les acteurs privés. Il est facile d’imaginer la difficulté des collectivités territoriales à concurrencer les géants du secteur, comme Tesla ou Electra, d’autant plus que leurs intérêts divergent en tous points. Là où les acteurs privés cherchent la maximisation du profit, jouant sur les monopoles et les programmes de fidélité, la collectivité, elle, cherche de son côté avant tout à répondre aux objectifs nationaux et européens de démocratisation des véhicules électriques à l’horizon 2030. Résultat : les infrastructures de recharge sont désordonnées, opaques sur des prix qui peuvent aller du simple au double selon la borne utilisée, et requièrent des moyens de paiement toujours plus inventifs (abonnements, applications diverses…). Comment rendre la voiture électrique et sa recharge accessibles à tous dans ces conditions ? C’est le casse-tête auquel fait face Carcassonne qui n’a réussi à déployer qu’une poignée d’infrastructures de recharge publiques bas de gamme et souvent indisponibles faute d’entretien selon le recensement de Chargemap sur les bornes en fonction. La priorité de la ville aujourd’hui doit être d’homogénéiser les systèmes de recharges.
https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/localisation-des-bornes-de-chargement-electrique-a_995911?scaleControl=false&miniMap=false&scrollWheelZoom=false&zoomControl=true&editMode=disabled&moreControl=true&searchControl=null&tilelayersControl=null&embedControl=null&datalayersControl=true&onLoadPanel=undefined&captionBar=false&captionMenus=true
Répartition des bornes de recharge dans l’agglomération de Carcassonne
La démocratisation de la voiture électrique est encore bien lointaine. En effet, la voiture électrique n’est pas conduite par M. Tout-le-monde, malgré les objectifs écologiques ambitieux de l’UE. En effet, cette dernière vise d’ici 2035, l’interdiction de la vente de véhicule à essence. Aujourd’hui, d’après une étude réalisée par AAA-Data, l’acheteur type d’une voiture électrique est un homme de 56 ans. Il est issu de la catégorie socioprofessionnelle supérieure et vit dans un environnement urbain. Il fait partie d’un ménage occupant une maison avec un stationnement privé, lui permettant ainsi de disposer de sa propre borne de chargement. Généralement, la voiture électrique est son second véhicule et il l’utilise pour des trajets courts. Autant dire que l’habitant de l’agglomération de Carcassonne ne correspond pas au profil que nous venons de présenter : il habite en zone rurale et est souvent contraint de parcourir de nombreux kilomètres lors de ses trajets domicile-travail (selon le SDIRVE établi par SYADEN). De plus, la médiane du niveau de vie en 2020 sur la ville de Carcassonne est de 19 980€ par an selon l’INSEE. Cette médiane est inférieure à la médiane nationale, traduisant un décalage entre le profil “type” de l’acheteur de voitures électriques, et le profil de la majorité des habitants de Carcassonne.